Au risque d'en décevoir certains et même d'en froisser
d'autres, Tahiti n'est pas la carte postale que le mythe créé
par les premiers découvreurs de l'île comme Bougainville et
les media prétendent le dire, ou du moins ne l'est plus depuis longtemps.
Tahiti et ses habitants qui vivaient de peu sont passés brutalement
de l'âge de pierre à celui du nucléaire, en à
peine deux siècles. L'arrivée des premiers colons a fait
disparaître tout ce qui faisait la culture Polynésienne. L'évolution
économique qui est passée à une phase accélérée
à partir du début des années 60, à la création
du Centre d'Essai du Pacifique, chargée des essais nucléaires
français à Moruroa et Fangataufa, a contribué à
effacer ce qui pouvait rester de la Polynésie d'antan. Cette progression
rapide ne s'est pas fait sans mal, passer d'une économie de subsistance
à une économie de consommation a considérablement
modifié les habitudes et traditions des autochtones. Adieu le maha
tahitien, les plats traditionnels tahitien, il n'est guère plus
qu'apprécié que par les touristes, le mac do et la junk food
l'ont définitivement remplacé. La surconsommation a bouleversé
toutes les valeurs,toute famille tahitienne se doit maintenant de possèder
son 4*4 qui doit être forcément plus gros et plus rutilant
que celui du voisin et tant pis si on habite dans une case insalubre.
Dès qu'on a quitté l'aéroport international de
Faaa, ce qui surprend tout de suite c'est la circulation digne d'un départ
de vacances aux portes de Paris. Les bouchons sont omniprésents
tout autour de Papeete, en gros sur toute la côte nord de l'île.
Il faut ainsi compter une bonne heure pour effectuer une vingtaine de kilomètres
aux heures de pointe. L'état déplorable des routes n'arrange
pas les choses. Et qui dit bouchon, dit pollution. En prenant de l'altitude,
vous distingue le nuage de pollution très nettement au dessus de
Papeete. Si vous êtes amateur de 4x4, Tahiti est fait pour vous,
vous y trouverez une concentration incroyable de 4x4 et Pick Up en tout
genre, quasiment le quart du parc automobile. Rappelons qu'un 4x4 pollue
4 fois plus en moyenne qu'une berline lambda.
En plus de la pollution, vous pourriez être choqué par
la saleté. La protection de l'environnement est malheureusement
loin d'être encore un réflexe, même parmi les jeunes
générations. Si les plages des grands hotels sont dans un
état impeccable, les plages publiques ressemblent bien souvent plus
à un dépotoir qu'à autre chose.
Cannettes sur l'atoll inhabité de Vanavana à l'est
des Tuamotu
Le "tout à l'égout" est souvent ici remplacé par
le "tout au lagon", c'est dingue le nombre de maladie qu'on peut attraper
en se baignant dans le lagon. Etant plongeur, j'attrapais continuellement
des otittes au début de mon séjour, alors que je n'étais
franchement pas disposé à ça auparavant. Maintenant
j'utilise des trucs de vieux plongeur, avec le coup de l'huile (d'amande
douce ou monoï) dans les oreilles avant d'aller à l'eau. En
plongée d'ailleurs on peut découvrir que le lagon est pris
pour une vaste poubelle, batterie, machine à laver, la liste est
longue de tous les objets incongrus qu'on peut rencontrer au hasard d'une
plongée. Pratiquer le surf devient même une activité
à risque, il n'est pas rare qu'un surfeur se blesse en percutant
un des multiples objets rejetés à la mer par l'homme. Le
summum est atteint les jours de grosse pluie, tous les déchets qui
ont été jetés dans les rivières au fond des
vallées se retrouvent dans le lagon, le spectacle de celui-ci avec
tous ces saletés qui flottent à la surface ou entre deux
eaux est assez déprimant et révoltant. La sensibilisation
au respect de l'environnement est malheureusement très récente,
si elle commence à faire son effet parmi les couches aisées
de la population, il faudra probablement attendre encore au moins une génération
pour que ça devienne un réflexe au sein de toute la population.
Pour retrouver le Tahiti d'antan il vous faudra la quitter et aller
du côté de Moorea toute proche, des autres iles de la Société
et même encore mieux dans les Tuamotu, les Gambiers ou les Marquises
sans oublier les Australes. Pour être honnête dans le sud de
Tahiti, on pourra retrouver une certaine quiétude et des paysages
préservés, qui peut s'expliquer par la densité moindre
de la population, par contre les structures touristiques y sont moins développées.
Le tourisme à Tahiti est clairement orienté haut de gamme,
la vie sur place est fort chère (disons 30% de plus pour un produit
manufacturé en dehors de Polynésie, si ce n'est plus). Même
si les prix sont élevés, on n'a pas forcément les
prestations de qualité en rapport avec le prix, surtout dans le
domaine du tourisme et de l'hotellerie. Il est quasiment impossible de
passer des vacances "économiques" en Polynésie, pour admirer
la beauté des paysages, du lagon, des atools, il faut quitter Tahiti
et prendre l'avion. Sur place, en dehors des hotels de luxe, vous trouverez
des pensions de famille où les prestations peuvent aller du pire
(du style pas d'eau, pas d'électricité, confort spartiate,
wc derrière le cocotier... testé personnellement aux Marquises)
au meilleur pour un prix relativement raisonnable mais qui restent loin
de la portée de toutes les bourses. La pension de famille permet
aussi d'avoir davantages de contacts avec la population locale et de partager
leur environnement, et leur quotidien. Ce qui est fort regrettable est
qu'il n'existe pas de label de qualité ou d'organisme quelconque
de contrôle, à part le bouche à oreille, il n'y a pas
le moyen de se faire une idée de la qualité réelle
des prestations proposées. Dans tous les cas, de l'hotel de grand
luxe à la petite pension de famille, vous aurez généralement
un bon accueil et on prendra soin de vous, on n'a pas l'impression d'être
pris pour un gros portefeuille ambulant comme cela peut être le cas
dans d'autres pays.
Les bungalows sur pilotis du Sofitel à Moorea
Pour les débrouillards, ceux qui veulent vivre une expérience
bien "root", il y a quand même moyen de visiter la Polynésie
en limitant les frais, vous pouvez sillonner les Tuamotu ou les autres
archipels à bord de goélettes (petit cargo ravitailleur)
pour pas cher dans un confort spartiate, vous arrêter sur les îles
au fin fond des Tuamotu, là où le touriste lambda ne met
jamais les pieds, dormir sous votre tente sur un motu désert (se
renseigner auprès de la mairie pour ne pas froisser la susceptibilité
de quelques propriétaires, mais ça ne devrait pas poser de
problèmes). Vous trouverez toujours une petite épicerie qui
fournit l'essentiel, et si vous avez des talents de pécheur (chasse
sous marine, c'est plus efficace et rapide), vous pourrez améliorer
grandement l'ordinaire. Il faut savoir que le service des goélettes
n'est pas régulier, certains atolls ne sont desservis qu'une fois
par mois, sans compter que la desserte peut être annulée en
cas de mauvaise mer ou d'avarie.
Pour résumer, si vous cherchez à passer des vacances
à l'ombre des cocotiers sur une plage de sable blond, le meilleur
conseil, que j'aurais à vous donner, et d'aller moins loin pour
vos vacances. Pour un budget bien moins important, vous pouvez passer d'excellentes
vacances avec des prestations de qualité garanties. Je pense notamment
à la Réunion évidemment, (chauvin moi?) mais aussi
l'île Maurice (pour les plages) ou les Antilles.