Un peu d'histoire


On sait très peu de chose de l'histoire de l'île entre le Veme siècle, date de l'arrivée des premiers habitants de l'île, et le XVIIème date de l'arrivée des premiers explorateurs occidentaux, il reste la tradition orale avec ses légendes, les restes archéologiques et l'analyse des pollens qui permettent d'échafauder quelques hypothèses. L'analyse pollinique permet de déterminer le type de végétation ainsi que sa quantité au cours du temps, les restes de pollen sont extraits des sédiments qu'on peut trouver à l'intérieur des  cratères de l'île par exemple. Plus le pollen est profond dans la couche de sédiments, plus l'époque est lointaine. Avec l'archéologie on peut se baser sur les restes d'habitat, les ustensiles divers et les restes des repas.

Selon toute vraisemblance la première vague de colonisation serait venue de laPolynésie, à 4000km à l'ouest de là, autour de l'an 400. Il est couramment admis qu'ils étaient partis del'archipel des Marquises, cette hypothèse se base sur au moins  deux faits, les habitants de l'île de Pâquessont des polynésiens et les premières statues qui ont été érigées ressemblent furieusementà ce qu'on peut trouver du côté des Marquises (à Hiva Oa notamment).
Certains chercheurs dont le célèbre ethnologue etnavigateur norvégien Thor Heyerdahl ont tenté de prouver l'origine sud américaine deshabitants de l'île de Paques, pour cela il a monté la fameuse expédition du Kon Tiki (nom du dieu soleil chez les incas). Parti du Pérou en 1947, sur un radeau en balsa avec desinstruments de navigation rudimentaires, il a prouvé qu'on pouvait atteindre les îles de la Polynésie avec des ventset courants favorables, mais sa démonstration est loin d'avoir convaincu le monde scientifique. Cela dit il est prouvémaintenant que des sud américains ont foulé le sol de l'île du Paques c'est le cas de Tupac Yupanqui qui aurait atteint l'île au 15eme siècle et y aurait même introduit la patate douce et la culture du coton.

A gauche le moaï "archaïque" qu'on peut trouver sur les flancs du Rano Raraku.


Tiki des Marquises sur l'île d'Hiva Oa


Vers l'an 800, l'analyse pollinique révèle une quantité de pollens d'arbre qui décroit dans les couches sédimentaires, cela peut s'expliquer par un début de déforestation, en contre partie les pollens des graminés (herbe) augmente, les herbes reprennent la place initialement occupée par les arbres. Entre cette époque et le XIVème siècle, l'analyse des restes alimentaires révèlent qu'un bon tiers des os trouvés sont des os de dauphins. Les bancs de dauphins sont chassés au large pour l'alimentation à l'aide de pirogues taillées dans les bois locaux.
C'est autour du XIIème siècle qu'à partir de la croyance des Tiki issue de leurs ancêtres marquisiens que se développa une croyance originale basée sur le culte des ancètres et du Mana (puissance). Pour cela ils construisirent des statues de pierre à l'éffigie des anciens, les fameux Moaï. Chaque tribu erigeait une ou plusieurs plateformes cérémonielles (Ahu) avec une rangée de Moaï sur celle-ci faisant face au village (et dos à la mer) et le protégeant de leur regard. Au fil du temps les Moaï sont devenus de plus en plus grands, une compétition s'était instaurée entre les tribus pour savoir ceux qui érigeraient les Ahu les plus monumentales, les Moaï n'étaient plus le signe du respect des anciens mais un symbole de la puissance de la tribu. C'est l'âge d'or de l'île de Paques, on l'évalue entre le XIIIème et le XVème siècle.  Les arbres  étaient utilisés pour cette industrie des Moaï, une autre partie servait de  combustible,  contribuant ainsi à accentuer la  déforestation de l'île. On estime qu'environ un millier de Moaï furent éditifiés durant cette période, ce qui représente quand même un Moaï pour dix habitants (si l'on estime à 10000 le nombre d'habitants), on dénombre pas moins de 272 Ahu.



Le monumental ahu de Tongariki

Du XVème au XVIIème les différentes tribus de l'île (une douzaine qui se partageait l'île, chacune ayant un accès à la mer) prospérèrent tant et si bien qu'ils devinrent trop nombreux pour les ressources de l'île (on estime la population à cette époque à 10000 habitants). Il n'y a quasiment plus de forêt du fait de la déforestation et de la disparition des espèces d'oiseaux de l'île chargés de disperser les pollens. L'érosion se développe et les cours d'eau se tarissent et l'eau devient rare, elle ne se trouve plus que dans quelques rares endroits (à l'intérieur des cratères). Vers le XVIème siècle, les os de dauphins disparaissent des restes de repas, l'hypothèse la plus probable est que les arbres suffisamment gros pour pouvoir construire une pirogue de haute mer ont disparu, mettant un terme à cette pêche. Il est maintenant impossible de quitter l'île puisqu'il n'y a plus de matériaux pour construire des pirogues doubles de haute mer.
Pour expliquer le déclin de la civilisation, pendant longtemps c'est la théorie du suicide écologique qui a prévalu, à savoir qu'entre le XVIIème et l'arrivée du premier occidental, la famine s'installe dû entre autres à la déforestation, à l'érosion, au manque d'eau. C'est à ce moment là que la construction des Moaï s'arrêta net, la légende veut que le peuple composé d'esclaves chargés d'extraire les Moaïs de la roche et les trainer sur des dizaines de kilomètres jusqu'aux Ahu se révolta. Cela plongea l'île dans le chaos et provoquant une guerre tribale décimant une grande partie de la population. C'est à ce moment là que le cannibalisme se développa. La population chute à 2000 habitants.

Les recherches archéologiques, notamment l'analyse des pollens, prouvent que l'action unique de l'homme n'a pas suffit à déforester complètement l'île. Il est maintenant admis que plusieurs espèces d'arbre ont totalement disparu ou du moins leur nombre a considérablement chuté au cours d'une très courte période située au XVIIème siècle. L'hypothèse la plus vraisemblable est qu'une longue période de sécheresse s'est abattue sur l'île contribuant à assécher les ressources de l'île. Pour pallier à cette sécheresse les habitants de l'île ont fait appel aux dieux pour que la pluie revienne, ce qui peut expliquer la frénésie de construction des moaïs à cet époque là, de plus en plus nombreux et de plus en plus colossaux (le plus grand qui n'a jamais été érigé fait 22m de haut et pèse 160 tonnes).
Se rendant compte que les érections d'ahu étaient vaines, les habitants se sont révoltés contre les dieux et ont abattu eux mêmes leurs idoles dans un déchaînement collectif brutal plongeant l'île dans le chaos.

Les recherches récentes, notamment de Nicolas Cauwe chercheur à l'université de Bruxelles et grand spécialiste de l'île Pâques, ont mis en évidence une toute autre version. On ne peut nier la déforestation de l'île, par contre il a prouvé que malgré l'aspect aride et désolé des terres, les pascuans ont su s'adapter et développer une agriculture de subsistance. De même que pendant longtemps la découverte d'outils en obsidienne considérés comme des armes ont alimenté la théorie de la guerre fraticide alors qu'il est avéré maintenant que ce ne sont que de simples outils de travail. Donc pas de chaos, pas plus qui n'il y a eu de famine. Et quid de l'arrêt du culte des moaïs et de la destruction des ahu ? On pense maintenant que les ahu n'ont absolument pas été détruits mais mis en sommeil en les couchant au sol. En effet ils n'ont pas été précipités à terre, ils sont fait d'une roche très friable et ils se seraient totalement fracassés en plusieurs morceaux en tombant de leur hauteur, on pense maintenant qu'ils ont été couchés délicatement face contre sol. D'ailleurs tous les moaïs qui ont été redressés depuis sont en parfait état, ils ne l'auraient pas été, si l'ahu avait été saccagé et les moaïs précipités brutalement au sol.

Les moaïs couchés à terre de l'Ahu Hanga Tee

Moaïs sur le flanc du Rano Raraku

Moaï inachevé dans la carrière du Rano Raraku

Quant aux moaïs abandonnés sur les flancs du volcan Rano Raraku, ils ne le sont pas vraiment en fait. Les pascuans aurait jeté un tabou sur la carrière pour qu'aucun autre moaï n'en soit extrait, les moaïs sur les flancs sont comme des sentinelles ou cerbères d'un lieu devenu interdit. Pour accréditer cette thèse, les moaïs ont été enterrés volontairement, seul le dernier 1/3 avec la tête dépasse, cela représente un travail colossal de creusement d'une fosse d'une profondeur de plusieurs dizaines de mètres, c'est pas vraiment le genre de travaux qu'on ferait pour abandonner un chantier. De même que les moaïs qu'on pensait inachevés dans la carrière, ne le sont pas vraiment, ils ont été taillés sciemment et dans une certaine position pour empêcher toute nouvelle extraction dans la roche, ils contribuent également à l'interdiction de production de nouveaux moaïs.


Il en reste pas moins que théorie du chaos et suicide écologique ou évolution sociétale moins brutale, le culte de l'homme oiseau (Manutara) a remplacé le culte des Moaï. Une écriture se met en place le Rongo-Rongo,  sous forme de tablettes de bois sur laquelles sont gravées des signes, on pense qu'elle a été inspirée par le traité d'annexion que les espagnols menés par don Felipe Gonzales ont fait signé aux Pascuans lors de leur passage en 1770. C'est aussi à ce moment là que les pétroglyphes en hommage au Manutara ou au dieu Make Make, créateur de l'univers, se sont multipliés.
Pour en revenir à Tupac Yupanqui, les représentations d'hommes-oiseaux sont incontournables dans la culture inca, ce qui tend à confirmer le passage des sud américains.

Le soir du 5 avril 1722, le navigateur hollanda Jacob Roggeveen découvrit l'Ile de Paques, et comme celui-ci était fort peu inspiré ce jour là, il l'appella tout simplement PAASCH EYLANDT (Ile de Pâques). Il écrit que l'île laissait une impression de pauvreté extrème et d'une grande stérilité. Ils ne restèrent qu'une journée, suffisante tout de même pour tuer 13 insulaires à la suite d'un malentendu.
En 1770 ce sont deux navires espagnols commandés par don Felipe Gonzalez y Haedo qui touchèrent l'île.
En 1774 c'est le célèbre explorateur James Cook qui est de passage, il découvrit de nombreuses plateformes abattues, ainsi qu'une population exangue.
En 1786 La Pérouse fit une halte rapide, devant la pauvreté de la population, il tenta d'implanter un élevage de porcs de chèvres et de moutons et en semant quelques graines, mais cette expérience échoua, tous les animaux furent rapidement mangés par la population.
Au XIXème les choses se gatèrent, en 1808 une goélette américaine, le "Nancy", fit relâche pour chercher de la main d'oeuvre pour la mise en place d'un poste de chasse aux phoques dans l'archipel de Juan Fernandez au large du Chili. Une vingtaine d'insulaires furent embarquées de force, ils se jetèrent à la mer au bout de trois jours de voyage, le commandant du bateau fit demi-tour sans chercher à les récupérer pour aller chercher d'autres personnes. Ils ne purent cependant débarquer devant l'hostilité de la population.
Vint ensuite en 1816 un bateau russe qui parvint à débarquer, mais les marins n'insistèrent pas devant l'accueil franchement hostile des insulaires, le commandant voulant éviter la confrontation.
1862 est une année noire pour l'Ile de Pâques et tout son peuple, sept bateaux péruviens firent relache, ils étaient venus pour chercher des esclaves pour les iles de guano au large du Pérou. Les insulaires qui ne furent pas tués furent capturés, décimant une grande partie de la population.
Cet évènement ne passa pas inaperçu, notamment des autorités françaises à Tahiti, l'évèque de Tahiti exigea le retour de la population de l'Ile de Paques dans son île. A ce moment là, il ne restait plus qu'une centaine d'habitants, dans le trajet beacoup moururent, si bien que seulement quinze habitants revinrent effectivement sur l'île. Ces derniers porteurs de maladies contribuèrent encore à faire baisser le nombre d'habitants. En 1868 un français s'installe sur l'île et asservit les survivants , un grand nombre d'habitants s'exilent en Polynésie Française. La vieille civilisation de l'île de Paques est morte à ce moment là, en 1877 le nombre d'habitants s'est réduit à 111.
C'est donc bien les esclavagistes au XIXeme siècle qui ont réduit à néant la population pascuanne, elle ne s'est pas auto détruit comme on l'a longtemps pensé dans le cadre d'un suicide collectif et écologique.
Tous les Moaï sont au sol, les tablettes d'écriture sont systématiquement brulées par les missionnaires (il en reste plus que 25 à l'heure actuelle), les grands prêtres porteurs de la tradition et capables de lire l'écriture Rongo-Rongo sont morts.


Plateforme abattue de Vinapu

Le Chili annexe l'île en 1888, l'île est louée en 1897 à une compagnie britannique pour l'élevage des moutons, le reste de la population est parqué dans le village de Hanga Roa qui est entouré de barbelés. L'île sert aussi de lieu de déportation pour les chiliens. Cette situation n'évoluera pas jusqu'au début des années 60 (les britanniques partent en 1952). Ce n'est que durant les années 60 que les choses s'améliorent, ce n'est qu'en 1966 que les pascuans deviennent citoyens chiliens ! En 1967 la construction d'un aéroport international contribue grandement au désenclavement de l'île et à son développement rapide.
Aujourd'hui les pascuans se réapproprient leur culture, cependant comme une grande partie de la tradition a été purement et simplement perdue, ils s'inspirent beaucoup de la culture Polynésie Française notamment pour ce qui est de la langue et de la musique. D'ailleurs on s'est beaucoup servi des mots de la langue polynésienne pour traduire des mots pascuans très proches de la tradition déformant probablement complètement le sens initial de certaines expressions. Ainsi le terme "Te pito o te henua", qui d'après la tradition orale est le premier nom de l'ïle de Paques, a été traduit par "nombril du monde", mais c'est une traduction en polynésien, en pascuan d'origine cela peut très bien désigner tout à fait quelque chose d'autres, mais ça on le saura probablement jamais. Il en est ainsi pour beaucoup d'expression traduites (longues et courtes oreilles, ...).
Aujourd'hui la population de l'île est de 3000 habitants, les deux tiers sont chiliens (essentiellement des fonctionnaires et leur famille en poste), le tiers est un mixte de pascuan d'origine et de chilien, on compte seulement une trentaine de personnes qui sont d'authentiques pascuans de souche.

On dénombre pas moins de 25000 sites archéologiques sur l'île, à peine 1/5 ont été explorés sérieusement, on en connait un peu plus sur l'histoire de l'île grâce aux travaux notamment de Giuseppe Orefici, Steven Fischer ou bien encore de Catherine et Michel Orliac et maintenant de Nicolas Cauwe cité plus haut.

[Retour page d'accueil]
[Retour haut de page]